Elle est le symbole de la femme de 40 ans ayant réussi sa vie d’actrice, de mère et d’amoureuse. Elle a toujours décidé de son destin.

« J’entends souvent : “Ah ! vous allez bien ensemble...” » C’est le genre de remarque que, jusqu’ici, Sophie Marceau ne prenait pas en considération, parce qu’elle a toujours fait ce qu’elle voulait. Et puis Christophe Lambert est arrivé. Et l’évidence s’est imposée. Devant les caméras de la réalisatrice Laure Duthilleul, alors qu’elle se laisse filmer sans maquillage, Sophie Marceau s’interroge sur le destin. Elle a un côté gagnant du Loto qui se demande encore qui remercier : le hasard, ses parents ou la Providence ? Elle revoit son père l’accompagnant au premier casting et, devant les autres enfants si soignés, prédisant : « Tu ne seras jamais prise. » Treize ans, 1,65 mètre. Une frange qui tombe au milieu des yeux. « La » Marceau ne fera jamais le Conservatoire. Les diplômes ? On oublie. Elle a arrêté le lycée juste à l’âge où les gendarmes ne sont plus requis pour faire respecter la scolarité obligatoire. C’était intenable. La rentrée de septembre 1981 fut sa journée en enfer. Depuis « La boum », l’année précédente, elle avait reçu 180 000 lettres d’admirateurs ! Et elle a regardé l’escalier qui la menait en cours, avec ces 2 400 yeux, les murmures, le silence. Les marches, à Cannes, en pire. Et le soir, il fallait rentrer chez les parents. « Je fais la vaisselle et je me fais engueuler », confie-t-elle à Match, en décembre 1982. Depuis son essai, elle a pris 7 centimètres et des seins.

A Monica Bellucci, née femme fatale, elle racontera comment elle les cache sous des cols roulés. « J’étais plus prête à devenir adulte que femme. » Son premier « grand amour » est son « fiancé » du film, il s’appelle Pierre, il a cinq ans de plus qu’elle et avoue qu’il se verrait bien, un jour, passer devant l’autel. Elle l’arrête tout net : « Je pourrais très bien vivre avec quelqu’un sans être mariée. J’aurais quand même l’impression d’être sa femme. Je n’ai pas besoin de bout de papier. » François Mitterrand était président. Mai 68, déjà loin. Il était loin aussi quand Brigitte Bardot, 16 ans, était tombée amoureuse de Vadim. Mais dans l’autre sens. Brigitte fera une tentative de suicide pour avoir le droit de se marier, elle divorcera au bout de cinq ans. Sophie aussi va divorcer, mais de la Gaumont avec laquelle elle est sous contrat, et qui veut l’empêcher de tourner avec Zulawski, réalisateur-écrivain-philosophe, Polonais sulfureux qui, de Romy à Adjani, n’en a pas fini de susciter l’hystérie ­féminine. Sophie, 17 ans, est fascinée. ­Zulawski lui parle de « L’idiot » de Dostoïevski. Il lui offre le rôle de la prostituée-enfant de « L’amour braque », joues rondes et bouche en sang. Ses parents, qui ne comprennent rien à cette nouvelle manière de jongler avec des sommes extravagantes, l’ont juridiquement émancipée et ne s’en mêlent pas, mais les producteurs exigent un retour devant les caméras de Claude Pinoteau, au côté de Lino Ventura. C’est aussi attrayant qu’un sirop de grenadine quand on a envie d’une vodka.