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Souvenirs provençaux--Justine Mérieau

J’étais alors en vacances chez une amie d’enfance à Aix-en-Provence.

Par un de ces beaux soirs d’été provençaux où le ciel de saphir est tellement constellé de points lumineux qu’il rend les nuits d’une clarté rare, je me trouvais à passer devant une maison aux fenêtres larges ouvertes. Je tombai sous le charme d’une musique langoureuse et un peu triste qui s’échappait de l’une d’entre elles.

C’était une musique qui ne pouvait laisser insensible. C’était comme un appel, comme une invite à entrer dans cette maison…

Je m’arrêtai, comme envoûtée, et me laissai pénétrer par ces longues plaintes, tantôt déchirantes, tantôt joyeuses.

Et mon imagination m’entraîna bientôt très loin…

Dans une chambre, (pour moi, il ne pouvait s’agir que d’une chambre) j’imaginais un homme et une femme enlacés sur un lit, nus peut-être. Ils se caressaient, mais avec ferveur, presque religieusement, conscients de la beauté de cette musique qui ajoutait encore à leur exaltation et rendait leur amour plus intense. Leurs regards ne pouvaient se détacher l’un de l’autre et leur étreinte était la plus voluptueuse qu’il leur eût été donnée d’avoir jusqu’à présent. Ils seraient marqués à jamais par cet air magnifique, magique, cet air lancinant qu’ils ne pourraient jamais plus oublier, même si un jour ils devaient se quitter.

Car, rien que d’entendre à nouveau cet air-là, même séparés, un lien spirituel ressuscitant leur amour passé le recréerait le temps de la musique, leur en rappelant toute l’intensité. Souvenir nostalgique, douloureux peut-être, mais qui s’effacerait sitôt l’air terminé. Et s’ils ne se quittaient jamais, une émotion commune les envahirait chaque fois qu’ils entendraient cet air ; il leur suffirait d’un regard pour que leur complicité soit totale.

Tandis que perdue dans mes pensées, je rêvais toujours devant cette fenêtre, je vis soudain apparaître dans son encadrement la silhouette d’une femme – peut-être une jeune fille – qui se mit à contempler les étoiles ; mais presque aussitôt après, j’entendis comme des sanglots étouffés et m’aperçus qu’elle pleurait.

Dieu merci, de l’endroit où j’étais elle ne pouvait me voir. Mais me sentant à présent indiscrète, je m’apprêtais à partir non sans une certaine consternation devant le chagrin de cette inconnue, lorsque apparut derrière elle un homme qui me parut assez jeune.

Il dut lui dire quelque chose auquel elle ne répondit pas, car ensuite il lui posa la main sur l’épaule en remuant la tête, comme interrogativement ; puis, comme elle ne réagissait toujours pas, il la saisit avec force aux épaules, voulant, me sembla-t-il, la tourner vers lui. C’est alors qu’elle réagit en le repoussant violemment, et lui eut comme un geste d’impuissance, car je le vis lever les bras au ciel et disparaître.

L’inconnue se remit à sangloter de plus belle, cette fois sans chercher à retenir ses pleurs ; elle avait l’air en proie à la plus profonde des peines.

Ne voulant pas jouer plus longtemps les voyeuses et n’en pouvant supporter davantage, je partis précipitamment, revenue à une réalité hélas plus prosaïque ; et, avec au cœur, non plus mes doux rêves d’amour, mais une certaine tristesse.

Bien que, dans l’espèce de confusion où je me trouvais, je ne pouvais cependant m’empêcher de penser qu’il ne devait s’agir que d’une simple querelle d’amoureux…   

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