中法对照:羊脂球 BOULE DE SUIF (3)

Maupassant 莫泊桑

    Au bout de quelque temps, une fois la première terreur disparue, un calme nouveau s'établit. Dans beaucoup de familles, l'officier prussien mangeait à table. Il était parfois bien élevé, et, par politesse, plaignait la France, disait sa répugnance en prenant part à cette guerre. On lui était reconnaissant de ce sentiment; puis on pouvait, un jour ou l'autre, avoir besoin de sa protection. En le ménageant on obtiendrait peut-être quelques hommes de moins à nourrir. Et pourquoi blesser quelqu'un dont on dépendait tout à fait? Agir ainsi serait moins de la bravoure que de la témérité. - Et la témérité n'est plus un défaut des bourgeois de Rouen, comme au temps des défenses héroïques où s'illustra leur cité. - On se disait enfin, raison suprême tirée de l'urbanité française, qu'il demeurait bien permis d'être poli dans son intérieur pourvu qu'on ne se montrât pas familier, en public, avec le soldat étranger. Au dehors on ne se connaissait plus, mais dans la maison on causait volontiers, et l'Allemand demeurait plus longtemps, chaque soir, à se chauffer au foyer commun.
    La ville même reprenait peu à peu de son aspect ordinaire. Les Français ne sortaient guère encore, mais les soldats prussiens grouillaient dans les rues. Du reste, les officiers de hussards bleus, qui traînaient avec arrogance leurs grands outils de mort sur le pavé, ne semblaient pas avoir pour les simples citoyens énormément plus de mépris que les officiers de chasseurs, qui, l'année d'avant, buvaient aux mêmes cafés.
    Il y avait cependant quelque chose dans l'air, quelque chose de subtil et d'inconnu, une atmosphère étrangère intolérable, comme une odeur répandue, l'odeur de l'invasion. Elle emplissait les demeures et les places publiques, changeait le goût des aliments, donnait l'impression d'être en voyage, très loin, chez des tribus barbares et dangereuses.
    Les vainqueurs exigeaient de l'argent, beaucoup d'argent. Les habitants payaient toujours; ils étaient riches d'ailleurs. Mais plus un négociant normand devient opulent et plus il souffre de tout sacrifice, de toute parcelle de sa fortune qu'il voit passer aux mains d'un autre.
    Cependant, à deux ou trois lieues sous la ville, en suivant le cours de la rivière, vers Croisset, Dieppedalle ou Biessart, les mariniers et les pêcheurs ramenaient souvent du fond de l'eau quelque cadavre d'Allemand gonflé dans son uniforme, tué d'un coup de couteau ou de savate, la tête écrasée par une pierre, ou jeté à l'eau d'une poussée du haut d'un pont. Les vases du fleuve ensevelissaient ces vengeances obscures, sauvages et légitimes, héroïsmes inconnus, attaques muettes, plus périlleuses que les batailles au grand jour et sans le retentissement de la gloire.
    Car la haine de l'étranger arme toujours quelques intrépides prêts à mourir pour une Idée.
    Enfin, comme les envahisseurs, bien qu'assujettissant la ville à leur inflexible discipline, n'avaient accompli aucune des horreurs que la renommée leur faisait commettre tout le long de leur marche triomphale, on s'enhardit, et le besoin du négoce travailla de nouveau le coeur des commerçants du pays. Quelques-uns avaient de gros intérêts engagés au Havre que l'armée française occupait, et ils voulurent tenter de gagner ce port en allant par terre à Dieppe où ils s'embarqueraient.

    经过了不久的时间,初期的恐怖一旦消失了以后,一种新的宁静气氛又建立起来。在许多人家,普鲁士军官同着主人家一块儿吃饭。军官当中偶尔也有受过好教育的,并且由于礼貌关系,他也替法国叫屈,说自己参加这次战争是很不愿意的。由于这种情感,有人对他是感激的;随后,有人迟早可能还需要他的保护。既然应付着他,也许可以少供养几个士兵吧。并且为什么要去得罪一个完全可以依靠的人?这样的干法固然是轻率的意味多于豪放,不过轻率已经不是卢昂居民的一种缺点了,正和从前使得他们城市增光的壮烈防护时代不一样。终于有人根据那种从法国人的娴雅性情所演绎出来的莫大理由,说是不在公开地点和外国军人表示亲近,那么在家里讲究礼貌原是许可的。所以在门外装做彼此陌生,而在家里却快快乐乐谈话,末后日耳曼人每晚待得更长久一点,和主人家一家子同在一座壁炉跟前烤火了。
  市区甚至于慢慢恢复了它的平时状态。法国人还不大出门,不过普鲁士兵却在街道上往来不息。此外,好些蓝军服的轻装骑兵军官傲慢地在街面石块上拖着长大军刀向咖啡馆里走,但是对普通居民的轻蔑态度,并不比上一年在同样的咖啡馆里喝酒的法国步兵军官更为明显。
  然而在空气当中总有一点儿东西,一点儿飘忽不定无从捉摸的东西,一种不可容忍的异样气氛,仿佛是一种散开了的味儿,那种外祸侵入的味儿。它充塞着私人住宅和公共场所,它使得饮食变了滋味,它使人觉得是在旅行中间,旅行得很远,走进了野蛮而又危险的部落。
  战胜者需索银钱了,需索大量的银钱了。居民们始终照数缴纳;并且他们都是有钱的。不过一个诺曼底买卖人,越是变成了富裕的,那么他越害怕牺牲,越害怕看见自己财产的小部分转到另外一个人手里。
  然而,在市区下游两三法里左右的河里,靠近十字洲,吉艾卜达勒或者别萨尔那一带,时常有船户或者渔人从水底捞起了日耳曼人的尸首,这种包在军服里边发胀的尸首都是生前被人一刀戳死的或者一脚踢死的,脑袋被石头碰坏或者从桥上被人一下推下来落到水里。河底的污泥隐没了这类暧昧不明的野蛮而合法的报复,隐名的英雄行为,无声的袭击,这些远比白天的战斗可怕却没有荣誉的声光。
  因为对入侵者的憎恶,素来能够教三五个胆大的人格外坚强起来,使他们为了一个信念而不顾性命。
  最后,这些入侵者虽然用一种严酷的纪律控制市区,不过他们那些沿着整个胜利路线所干的骇人听闻的行为虽然早已造成了盛名,而目下在市区里还没有完成一件,这时候,人都渐渐胆壮了,做买卖的需要重新又在当地商人们的心眼儿里发动了。好几个都在哈佛尔订有利益重大的契约,而那个城市还在法军的防守之下,所以他们都想由陆路启程先到吉艾卜去,再坐船转赴这个海港。