Charlotte Brontë serait-elle la scénariste la plus populaire de Hollywood ? En cent ans, pas moins de dix-huit adaptations de Jane Eyre y ont vu le jour (et l'on ne dit rien des films anglais). Au fond, il est impossible de se lasser des malheurs de Jane, orpheline malheureuse puis gouvernante timide. Seize ans après l'adaptation décevante de Franco Zeffirelli, c'est reparti pour un tour : une délicieuse Jane Eyre, signée du metteur en scène Cary Fukunaga , qui se déguste comme un scone nappé de crème fouettée.
Pourquoi cette réussite ? Il y a d'abord la fidélité au texte - le film n'oublie pas l'un des aspects les plus saisissants du roman, trop souvent négligé par des scénaristes avides d'en arriver à l'histoire d'amour : l'enfance malheureuse de Jane, dont les parents meurent du typhus, dans une épouvantable institution victorienne, la Lowood School for Girls, où la discipline rigoriste et le manque d'affection la mettent au supplice. Cary Fukunaga met en valeur l'atmosphère gothique du roman : lande brumeuse, musique inquiétante et héros mystérieux. Jane Eyre, c'est Mia Wasikowska, une merveille d'actrice : délicate, intelligente, subtile. Féministe et mystérieuse, c'est une Jane des temps modernes.
Mais, pour qu'une adaptation de Jane Eyre soit satisfaisante, il n'y a pas de secret : il faut un Rochester à la hauteur, qui est sombre et impenetrable. Michael Fassbender, acteur de génie qui évoque le jeune Daniel Day-Lewis.