J'ai dîné chez Céleste. J'avais déjà commencé à manger lorsqu'il est entré une bizarre petite femme qui m'a demandé si elle pouvait s'asseoir à ma table. Naturellement, elle le pouvait. Elle avait des gestes saccadés et des yeux brillants dans une petite figure de pomme. Elle s'est débarrassée de sa jaquette, s'est assise et a consulté fiévreusement la carte. Elle a appelé Céleste et a commandé immédiatement tous ses plats d'une voix à la fois précise et précipitée. En attendant les hors-d'œuvre, elle a ouvert son sac, en a sorti un petit carré de papier [67] et un crayon, a fait d'avance l'addition, puis a tiré d'un gousset, augmentée du pourboire, la somme exacte qu'elle a placée devant elle. À ce moment, on lui a apporté des hors-d'œuvre qu'elle a engloutis à toute vitesse. En attendant le plat suivant, elle a encore sorti de son sac un crayon bleu et un magazine qui donnait les programmes radiophoniques de la semaine. Avec beaucoup de soin, elle a coché une à une presque toutes les émissions. Comme le magazine avait une douzaine de pages, elle a continué ce travail méticuleusement pendant tout le repas. J'avais déjà fini qu'elle cochait encore avec la même application. Puis elle s'est levée, a remis sa jaquette avec les mêmes gestes précis d'automate et elle est partie. Comme je n'avais rien à faire, je suis sorti aussi et je l'ai suivie un moment. Elle s'était placée sur la bordure du trottoir et avec une vitesse et une sûreté incroyables, elle suivait son chemin sans dévier et sans se retourner. J'ai fini par la perdre de vue et par revenir sur mes pas. J'ai pensé qu'elle était bizarre, mais je l'ai oubliée assez vite.
我在赛莱斯特的饭馆里吃晚饭。我已开始吃起来,这时进来一个奇怪的小女人,她问我她是否可以坐在我的桌子旁边。她当然可以。她的动作僵硬,两眼闪闪发光,一张小脸像苹果一样圆。她脱下短外套,坐下,匆匆看了看菜谱。她招呼赛莱斯特,立刻点完她要的菜,语气准确而急迫。在等凉菜的时候,她打开手提包,拿出一小块纸和一支铅笔,事先算好钱,从小钱包里掏出来,外加小费,算得准确无误,摆在眼前。这时凉菜来了,她飞快地一扫而光。在等下一道菜时,她又从手提包里掏出一支蓝铅笔和一份本星期的广播节目杂志。她仔仔细细地把几乎所有的节目一个个勾出来。由于杂志有十几页,整整一顿饭的工夫,她都在细心地做这件事。我已经吃完,她还在专心致志地做这件事。她吃完站起来,用刚才自动机械一样准确的动作穿上外套,走了。我无事可干,也出去了,跟了她一阵子。她在人行道的边石上走,迅速而平稳,令人无法想象。她一往直前,头也不回。最后,我看不见她了,也就回去了。我想她是个怪人,但是我很快就把她忘了。

Sur le pas de ma porte, j'ai trouvé le vieux Salamano. Je l'ai fait entrer et il m'a [68] appris que son chien était perdu, car il n'était pas à la fourrière. Les employés lui avaient dit que, peut-être, il avait été écrasé. Il avait demandé s'il n'était pas possible de le savoir dans les commissariats. On lui avait répondu qu'on ne gardait pas trace de ces choses-là, parce qu'elles arrivaient tous les jours. J'ai dit au vieux Salamano qu'il pourrait avoir un autre chien, mais il a eu raison de me faire remarquer qu'il était habitué à celui-là.
在门口,我看见了老萨拉玛诺。我让他进屋,他说他的狗丢了,因为它不在待领处。那里的人对他说,它也可能被轧死了。他问到警察局去搞清这件事是否是办不到的,人家跟他说这类事是没有记录的,因为每天都会发生。我对老萨拉玛诺说他可以再弄一条狗,可是他请我注意他已经习惯和这条狗在一起,这一点他说得对。

J'étais accroupi sur mon lit et Salamano s'était assis sur une chaise devant la table. Il me faisait face et il avait ses deux mains sur les genoux. Il avait garde son vieux feutre. Il mâchonnait des bouts de phrases sous sa moustache jaunie. Il m'ennuyait un peu, mais je n'avais rien à faire et je n'avais pas sommeil. Pour dire quelque chose, je l'ai interrogé sur son chien. Il m'a dit qu'il l'avait eu après la mort de sa femme. Il s'était marié assez tard. Dans sa jeunesse, il avait eu envie de faire du théâtre : au régiment il jouait dans les vaudevilles militaires. Mais finalement, il était entré dans les chemins de fer et il ne le regrettait pas, parce que maintenant il avait une petite retraite. Il n'avait pas été heureux avec sa [69] femme, mais dans l'ensemble il s'était bien habitué à elle. Quand elle était morte, il s'était senti très seul. Alors, il avait demandé un chien à un camarade d'atelier et il avait eu celui-là très jeune. Il avait fallu le nourrir au biberon. Mais comme un chien vit moins qu'un homme, ils avaient fini par être vieux ensemble. « Il avait mauvais caractère, m'a dit Salamano. De temps en temps, on avait des prises de bec. Mais c'était un bon chien quand même. » J'ai dit qu'il était de belle race et Salamano a eu l'air content. « Et encore, a-t-il ajouté, vous ne l'avez pas connu avant sa maladie. C'était le poil qu'il avait de plus beau. » Tous les soirs et tous les matins, depuis que le chien avait eu cette maladie de peau, Salamano le passait à la pommade. Mais selon lui, sa vraie maladie, c'était la vieillesse, et la vieillesse ne se guérit pas.
我蹲在床上,萨拉玛诺坐在桌前的一张椅子上。他面对着我,双手放在膝盖上。他还戴着他的旧毡帽。在发黄的小胡子下面,他嘴里含含糊糊不知在说什么。我有点讨厌他了,不过我无事可干,也没有一点睡意。没话找活,我就问起他的狗来。他说他是在他老婆死后有了那条狗。他结婚相当晚。年轻的时候,他曾经想演戏,所以当兵时,他在军队歌舞剧团里演戏。但最后,他进了铁路部门,他并不后悔,因为他现在有一小笔退休金。他和他老婆在一起并不幸福,但总的说来,他也习惯了。她死后,他感到十分孤独。于是他便跟一个工友要了一条狗,那时它还很小。他得拿奶瓶喂它。因为狗比人活得时间短,他们就一块儿老了。“它脾气很坏,”萨拉玛诺说,“我们俩常常吵架。不过,这总算还是一条好狗。”我说它是良种,萨拉玛诺好像很高兴。他说:“您还没在它生病以前见过它呢;它最漂亮的是那一身毛。”自从这狗得了这种皮肤病,萨拉玛诺每天早晚两次给它抹药。但是据他看,它真正的病是衰老,而衰老是治不好的。

À ce moment, j'ai baillé et le vieux m'a annoncé qu'il allait partir. Je lui ai dit qu'il pouvait rester, et que j'étais ennuyé de ce qui était arrive à son chien : il m'a remercié. Il m'a dit que maman aimait beaucoup son chien. En parlant d'elle, il l'appelait « votre pauvre mère. ». Il a émis la supposition que [70] je devais être bien malheureux depuis que maman était morte et je n'ai rien répondu. Il m'a dit alors, très vite et avec un air gêné, qu'il savait que dans le quartier on m'avait mal jugé parce que j'avais mis ma mère à l'asile, mais il me connaissait et il savait que j'aimais beaucoup maman. J'ai répondu, je ne sais pas encore pourquoi, que j'ignorais jusqu'ici qu'on me jugeât mal à cet égard, mais que l'asile m'avait paru une chose naturelle puisque je n'avais pas assez d'argent pour faire garder maman. « D'ailleurs, ai-je ajouté, il y avait longtemps qu'elle n'avait rien à me dire et qu'elle s'ennuyait toute seule. - Oui, m'a-t-il dit, et à l'asile, du moins, on se fait des camarades. » Puis il s'est excusé. Il voulait dormir. Sa vie avait changé maintenant et il ne savait pas trop ce qu'il allait faire. Pour la première fois depuis que je le connaissais, d'un geste furtif, il m'a tendu la main et j'ai senti les écailles de sa peau. Il a souri un peu et avant de partir, il m'a dit : « J'espère que les chiens n'aboieront pas cette nuit. Je crois toujours que c'est le mien. »
这时,我打了个哈欠,老头儿说他要走了。我跟他说他可以再待一会儿,对他狗的事我很难过,他谢谢我。他说妈妈很喜欢他的狗。说到她,他称她作“您那可怜的母亲”。他猜想妈妈死后我该是很痛苦,我没有说话。这时,他很快地,不大自然地对我说,他知道这一带的人对我看法不好,因为我把母亲送进了养老院,但他了解我,他知道我很爱妈妈。我回答说,我还不知道为什么,我也不知道在这方面他们对我看法不好,但是我认为把母亲送进养老院是件很自然的事,因为我雇不起人照顾她。“再说,”我补充说,“很久以来她就和我无话可说,她一个人待着门得慌。”他说:“是啊,在养老院里,她至少还有伴儿。”然后,他告辞了。他想睡觉。现在他的生活变了,他有些不知如何是好。他不好意思地伸过手来,这是自我认识他以来的第一次,我感到他手上有一块块硬皮。他微微一笑,在走出去之前又说:“我希望今天夜里狗不要叫。我老以为那是我的狗。” 

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