Le professeur Fan est devenu une vedette de l'Internet depuis qu'il s'est enfui précipitamment de sa salle de classe durant le séisme du 12 mai au Sichuan : enseignant à Dujiangyan, l'une des villes affectées par le tremblement de terre qui a fait 69 000 morts et 17 000 disparus, il a décampé dès les premières secousses, laissant ses élèves se réfugier sous leurs pupitres. Par chance, et contrairement à quelque 7 000 autres écoles et collèges, la sienne ne s'est pas effondrée et aucune victime n'est à déplorer.

Mais dans le climat émotionnel chargé qui prévaut en Chine aujourd'hui, Fan Meizhong a déchaîné la colère de certains internautes depuis qu'il a avoué sur son blog, avec une déconcertante franchise, qu'il était incapable de se "sacrifier" pour les autres..., alors que la télévision d'Etat n'a cessé de montrer des images exaltant l'"héroïsme" des sauveteurs et l'abnégation compassionnelle des volontaires venus de toute la Chine aider les populations dans le besoin. Depuis, le débat fait rage et, sur la Toile et à la télévision, partisans et adversaires de "Fan Paopao" - littéralement : "Fan qui fuit" - s'étripent, verbalement ou par écrit, sans vergogne.

Sur son blog, M. Fan a raconté avoir couru dans l'escalier dès qu'il a réalisé que le séisme était plus puissant qu'il ne l'avait pensé au début. Il a foncé si vite qu'il est tombé et a gagné le terrain de football en rampant. Seul : les écoliers n'avaient pas bougé et sont arrivés dix minutes plus tard devant un penaud professeur Fan qui s'est mis à crier : "Je ne suis pas courageux ! Je ne me sacrifie pas ! Même pour ma mère, je ne mourrai pas !" Il a ajouté plus tard pour tenter de se justifier : "Je sais que mes élèves sont déçus. Mais au moment où il faut choisir entre la vie et la mort, je ne peux me sacrifier que pour ma fille."

Sur la Toile, certains lui lancent : "Vous n'êtes pas fait pour cette profession. Démissionnez !" D'autres internautes admirent sa franchise. La télévision hongkongaise Phoenix TV a organisé un débat en direct au cours duquel Fan Meizhong était confronté à un contradicteur, à l'un de ses collègues et au chef de son école. Le premier, un certain Guo Tiaotiao, l'a copieusement insulté. Le directeur a défendu son professeur, affirmant que c'était un enseignant de qualité. Le collègue a dit : "Il n'a pas été le seul à fuir mais il a été le seul à avoir le courage de l'avouer !" La question centrale est de savoir si un professeur est tenu, sur les plans moraux et juridiques, de risquer la mort pour sauver ses élèves durant une catastrophe de ce type.

Le couperet administratif vient de tomber : le professeur Fan a été licencié par le ministère de l'éducation. Sans explication. Il va poursuivre son ministère de tutelle. En attendant, l'homme se permet quelques amères audaces sur son blog : "Je suis malheureux depuis longtemps quand je pense que je ne suis pas né dans un pays comme les Etats-Unis où la liberté, les droits de l'homme et la démocratie sont respectés. Pourquoi ai-je vu le jour dans une Chine aussi dictatoriale ?"