Le foisonnement des arrangements ne fait pas pour autant de ce disque une célébration de la pop canonique. Finalement, ce détour par l’Angleterre de Blanc-Francard ramène Carla Bruni à des valeurs classiques de la chanson française. Ainsi, un titre comme Péché d’envie, écrit avec le père de son fils, Raphaël Enthoven, sonne très Barbara, dans sa mélodie comme dans son texte : "C’est que j’ai envie d’avoir fait/Envie d’avoir dit/C’est que j’ai envie d’avoir été/Envie d’avoir compris (…) Et que le diable me pardonne toutes mes belles envies". On a même parfois l’impression d’une sorte de sécurité stylistique mieux assurée qu’à ses deux albums précédents, de séductions moins austères, moins rigoristes.

D’ailleurs, elle mime moins la fragilité, pose plus crânement ses singularités. Elle assume franchement ses envies mais aussi toute sa personnalité, toute sa vie, toute son actualité, avec notamment la chanson Ta tienne, qui sera évidemment commentée à l’envi par la presse people (oui, elle en parle !) : "Je suis ta tienne, je suis ta tienne, je suis ta tienne/C’n’est pas correct, non, mais c’est bon quand même/Que l’on me maudisse et que l’on me damne/Je m’en balance, j’prends tous les blâmes". Comme tout le reste de l’album, on peut espérer que cette chanson échappe, au bout de quelques jours ou quelques semaines, à toutes les contingences d’une situation inédite – chanteuse et "première dame". Et alors, il sera possible de ne plus parler de ce disque que pour ses chansons, et non pour le contexte de sa gestation et de son enregistrement, et non pour les péripéties de sa sortie, et non pour les arrière-pensées de tous ordres qui en accompagnent les commentaires. Il serait heureux, alors, que finalement il s’écoute comme si de rien n’était. Son titre n’est sans doute pas venu par hasard…