L'automobile sollicite une aide d'urgence de l'État

Carlos Ghosn, PDG de Renault 

Les représentants des constructeurs français sont reçus aujourd'hui à l'Élysée.

Confrontée à une crise d'une violence sans précédent, l'industrie automobile est contrainte à une véritable course contre la montre. Les représentants de la filière qui souhaitent obtenir des financements sont reçus aujourd'hui par Nicolas Sarkozy. Le chef de l'État fera le point sur l'application des mesures annoncées dans le cadre du plan de relance.

«L'industrie est très consommatrice de crédit. En outre, deux voitures sur trois sont financées à crédit. Si la crise du financement dure, vous verrez tomber les constructeurs les uns après les autres», a déclaré vendredi Carlos Ghosn, le PDG de Renault, devant quelques journalistes. Or, pour l'heure, les constructeurs n'arrivent pas à trouver de capitaux. «C'est très bien de relancer le marché par une prime à la casse de 1 000 euros. Mais il faut aussi encourager les banques à prêter. On ne peut pas se financer à 3 mois à des taux de 10 %. Cette crise est avant tout financière», estime Carlos Ghosn. Daimler est ainsi en passe de lever un milliard d'euros à un taux supérieur à 9 %, un niveau jugé beaucoup trop élevé par le patron de Renault.

Face au blocage des marchés financiers, les constructeurs se tournent vers les pouvoirs pu­blics. «Ce que nous demandons à l'État, c'est un financement raisonnable, sur 2 à 3 ans, avec des taux d'intérêt compris entre 4 et 5 %. L'État français a été l'un des premiers à comprendre la gravité de la situation en Europe. Nous avons le sentiment qu'il va agir», affirme le PDG de Renault, qui espère une annonce dans les prochaines semaines. En Allemagne, le géant Volkswagen a demandé la garantie de Berlin pour ses activités financières et bancaires.


« On a pas touché le fond »

PSA Peugeot Citroën et Renault demandent un soutien pour l'ensemble de la filière. «C'est tout le système qui est menacé. Je ne peux pas fonctionner si mes fournisseurs disparaissent», note Carlos Ghosn. En difficulté, Faurecia, premier équipementier français et filiale de PSA, va ainsi supprimer 1 215 emplois en France dont 700 en 2009.

Parallèlement, Carlos Ghosn, qui prendra la tête le 1er janvier prochain de l'Association des constructeurs européens d'automobiles (Acea), va tenter d'obtenir une aide de 40 milliards d'euros pour le secteur auprès de Bruxelles. Les aides accordées par les États, comme celle de la France, seraient comprises dans cette enveloppe européenne.

Il y a urgence. Carlos Ghosn estime en effet «qu'on n'a pas encore touché le fond» de cette crise, bien plus grave que celle de 1993 qui avait vu les marchés européens chuter de 16 %, mais pendant laquelle le crédit avait continué à fonctionner normalement.

De son côté, Sergio Marchionne, l'administrateur délégué de Fiat, s'attend à vivre l'année la plus difficile de sa carrière, l'an prochain. Les constructeurs sont d'ores et déjà confrontés à des baisses de ventes vertigineuses. Le marché américain a ainsi chuté de 37 % en novembre. Les spécialistes prévoient des ventes comprises entre 11 et 11,5 millions de voitures, contre 16 millions en 2007. En Europe, l'Espagne était en baisse de 50 % le mois dernier.

Conséquence, les américains General Motors et Chrysler sont au bord de la faillite. Le japonais Toyota devrait annoncer, selon la presse nipponne, une prévision de perte de plus d'un milliard de dollars sur la période allant d'octobre 2008 à mars 2009. Les groupes japonais sont lourdement pénalisés par l'appréciation du yen face au dollar et par l'effondrement du marché américain, où ils réalisent l'essentiel de leurs profits.

Dans l'immédiat, les cons­tructeurs cherchent à préserver coûte que coûte leurs liquidités. «Il faut avoir un flux de trésorerie positif pour traverser la crise sans avoir à s'endetter. Cela passe par des baisses d'investissements, des réductions des stocks, une vigilance accrue vis-à-vis des créanciers et des cessions d'actifs », explique le PDG de Renault. Les flux de trésorerie du constructeur français devraient être négatifs en 2008.

Toyota pourrait réduire ses investissements de 30 à 40 % pour son prochain exercice fiscal. Renault envisage notamment de repousser la production de ses modèles dans son usine à bas coûts au Maroc, construite en partenariat avec Nissan, et prévue pour 2010.