L’un des peintres majeurs du XXe Siècle, Pierre Bonnard est connu par sa création intemporelle et hétérogène. Il a adhéré au groupe des Nabis- « les prophètes » en hébreu, en 1888, et renouvelle constamment la manière de peindre, en insistant sur une démarche personnelle qui ne fait partie d’aucune école de l’époque, telle que le cubisme ou le fauvisme. Dès l’année 1900, Bonnard se concentre sur l’usage des couleurs et des formes dans la peinture, et s’intéresse particulièrement aux scènes du quotidien, souvent mêlées d’une touche moderne.
 
Ce tableau de peinture à l’huile est réalisé en 1908, il entre dans les collections nationales en 1989. Il s’agit en réalité d’un portrait de famille qui présente la scène où quatre figures se trouvent dans une loge de l’Opéra de Paris : Joseph (en arrière plan) et Gaston (au premier plan), frères galeristes qui ont commandé ce tableau, et leurs épouses Mathilde (en arrière plan) et Suzanne (au premier plan).

C’est avant tout l’incohérence du cadrage de la scène que l’on perçoit dans l’immédiat : le visage de l’homme au centre est coupé à moitié et l’on ne peut voir ses yeux. Cet aveuglement visualisé nous amène ensuite à découvrir la disparition de la perspective géométrique, celle de la profondeur conventionnellement établie au centre du regard. A la place, les palettes de couleur, par leur contraste en épaisseur et en modulation, recomposent une impression de profondeur sur une surface toute plane. Ainsi, le rouge foncé du rideau confine avec la couleur toute légère et lumineuse du rose tirée sur l’orange, ressortissant une ligne disparate de frontière. L’intensité des couleurs donne aussi plus de consistance au couple en avant, qui en plus est accompagné d’une bande verticale en orange ardent, alors que celui en arrière-plan est plus ou moins fondu dans une ambiance brumeuse.
 
Or, il est difficile de déterminer, selon ces expressions chromatiques, quel est le côté de la scène d’opéra et quel est celui de la loge entre le plan en avant et celui en arrière. Les référentiels spatiaux se sont dissipés, et ces deux espaces semblent être réversibles devant une perception directe et simplissime. C’est en revanche de petites formes décoratives, tels que les motifs en spirale sur la bande verticale, ou encore les blancs ondulants qui simulent le reflet sur la robe de Suzanne, qui donnent volume et mouvement, et qui deviennent l’empreint du temps et des lumières dans cet espace fermé.
 
Enfin, tout le tableau s’avère un univers statique, dans lequel se coule une émotion languissante. Si les visages masculins sont à peine identifiables, les figures féminines sont mieux discernées par leur regard extatique, qui en même temps oriente un espace au-delà du cadre. Plus particulièrement, Suzanne, la seule figure accentuée et accomplie, est d’une prégnante mélancolie, dont le caractère est nuancé parfaitement par une couleur d’opale qui sculpte sa peau et son corsage. On dirait une statue en marbre du temps des grecs.

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