C'est un entrepreneur mexicain, propriétaire d'une chaîne d'hôtels à Cancun, qui s'offre une montre Hublot à 700.000 euros. C'est un couple de Singapouriens en quête d'un pied-à-terre à Paris qui met près de 10 millions d'euros sur la table pour un 400 mètres carrés avec vue sur la Seine. Ou un avocat parisien qui finit par craquer pour la Porsche 911 de ses rêves… Les clients du luxe sont de retour. Après un coup d'arrêt brutal au lendemain de la faillite de Lehman Brothers suivi d'une année à se terrer, les riches de toute la planète ressortent leurs cartes platinium sans fausse honte. La distribution ces jours-ci de bonus records dans la finance à New York, Londres ou Paris ne fera qu'encourager la fièvre après une année de diète.

«Ça a redémarré très fort depuis plusieurs mois, témoigne Charles-Marie Jottras, président du réseau d'agences immobilières Daniel Féau, spécialisé dans le très haut de gamme. Après Lehman Brothers, les transactions et le chiffre d'affaires s'étaient effondrés de plus de 50%. Plus personne ne bougeait. Mais, depuis avril 2009, les affaires ont repris. D'abord dans le haut du marché, celui des biens de 4 à 10 millions d'euros, essentiellement tiré par les étrangers. Et, plus récemment, le segment de 1 à 4 millions, qui concerne plutôt des familles aisées françaises, reprend aussi.»

Les super-riches souvent venus des pays émergents - Golfe, ex-empire soviétique, Afrique ou Asie -, après quelques mois d'immobilisme, continuent à avoir besoin d'investir une partie de leur fortune.

«Se faire plaisir»

«Quand un Kazakh ou un Dubaïote trouve le bel appartement de 500 mètres carrés qu'il recherche, il plonge, crise financière ou pas, et c'est lui qui fait les prix», poursuit Charles-Marie Jottras. Résultat, pendant que le marché immobilier hexagonal chutait de 5 à 10% l'an dernier, Daniel Féau a progressé de 4,5%.

Globalement, le secteur du luxe (montre et bijoux, accessoires, prêt-à-porter, parfums…) a accusé un recul de 8% en 2009, après déjà moins 2% l'année précédente, selon le cabinet Bain & Company. Les ventes devraient repartir «timidement» de l'ordre de 1% cette année. Mais certaines marques n'ont pas attendu pour afficher des performances contra-cycliques.

Jean-Claude Biver est de ces optimistes chevronnés. Tandis que les ventes mondiales d'horlogerie helvétique plongeaient de 22%, le patron d'Hublot, filiale de LVMH, a terminé l'année sur un quatrième trimestre «record» avec un point d'orgue pour les fêtes en décembre, meilleur mois de son histoire, suivi d'une croissance de 50% en janvier. Les acheteurs d'Amérique du Sud, notamment du Mexique, de Singapour, de Hongkong - mais aussi de France - ont craqué pour ses belles mécaniques. «Les gens ont envie de se faire plaisir. Quand de jeunes entrepreneurs des télécoms, du pétrole, de l'alimentaire réussissent, ils veulent le montrer», justifie-t-il.


Son homologue de Cartier, Bernard Fornas, très éprouvé, lui, en 2009, croit à ce phénomène. «Les clients sont de plus en plus nombreux grâce à la croissance des pays émergents ; le luxe a de belles années devant lui», se rassure-t-il. Après avoir ouvert 32 boutiques en Chine, il en prévoit 7 de plus cette année.

Dans le Golfe, un prix du baril supérieur aux prévisions permet aux élites de se lâcher, compensant la frilosité des Américains ou des Japonais, les deux clientèles traditionnelles du luxe. Et contre toute attente, même la France participe à la frénésie dépensière. Porsche y a vu ses ventes s'envoler de 29% l'an dernier, 911 en tête, suivie par Cayenne, puis la nouvelle Panamera. Très touchés par la récession, les constructeurs haut de gamme allemands sont prêts à rembrayer. Après une baisse de 9,7% en 2009, Mercedes a vu ses ventes mondiales s'envoler de 24% en janvier.

«L'argent est toujours là, les clients sont toujours là, mais ils cherchent maintenant des arguments pour justifier socialement leurs désirs et analysent leur investissement», explique Felix Braütigam, patron de Porsche France.
«Est-ce raisonnable ?»

Cette notion de valeur des produits convoités, pas uniquement financière mais également patrimoniale, historique ou culturelle, apparaît depuis la crise comme un refuge pour les acheteurs. C'est ce qui explique que des marques comme Vuitton, Hermès, Porsche ou Cartier s'en tirent mieux que d'autres, Bulgari, Hugo Boss ou Versace, par exemple. L'acquéreur d'une Porsche sait qu'il pourra en tirer un bon prix s'il veut la revendre.

Cette plus grande sélectivité a modifié en profondeur les comportements des consommateurs. «Avant, c'était : j'ai l'argent, j'achète. Maintenant, ça s'est un peu compliqué. On se demande : est-ce que ça me va ? Est-ce raisonnable ? Est-ce que ça vaut le prix ?», raconte Bernard Fornas, président de Cartier. Or, poursuit-il, «face aux aléas de la Bourse, quand vous avez un beau diamant de 20 carats, vous avez de l'argent dans votre poche».

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