CRITIQUE

 

l est évident à la vision du Silence de Lorna que les frères Dardenne méritent cette énième sélection officielle, tant leur maîtrise de leur propre grammaire cinématographique transparaît ici. Pour ceux qui étaient un peu, voire franchement allergiques à leur mise en scène caméra à l'épaule de leurs films précédent (votre serviteur en fait partie), bonne nouvelle : cette fois-ci leur caméra se pose, se fixe, prend le temps de suivre les personnages sans avoir besoin de le suivre partout. Les frères Dardenne retrouvent un cinéma plus classique, donc, aussi bien dans la forme que dans le fond, en s'appuyant cependant sur les acquis du passé.

Car il est bien question ici de film social, décrivant le véritable chemin de croix d'une jeune immigrée d'Europe de l'est décidée à aller jusqu'au bout pour devenir Belge. Aller jusqu'au bout, en passant par des intermédiaires douteux en qui pourtant elle est obligée de faire confiance pour arriver à ses fins, et vivre une vie normale avec son petit ami (structure dramatique qui rappelle 4 mois, 3 semaines et 2 jours, Palme d'Or 2007). Les frères Dardenne n'hésitent pas à lorgner du côté du polar, éludant les explications, et usant d'éllipses efficaces qui font avancer une histoire brillamment écrite sans temps mort. A l'instar de La Graine et le Mulet de Kechiche, qui trouvait son efficacité dans un scénario à la dramaturgie presque hollywoodienne au sein d'une mise en scène très contemporaine, les Dardenne évitent tout ennui et tout subterfuge pour nous raconter leur histoire. La jeune Arta Dobrochi convainc tandis que Jérémie Renier, en junkie fébrile et touchant, endosse peut-être ici l'un de ses meilleurs rôles. On pourrait reprocher aux réalisateurs belges, vers la fin, une écriture psychologique du personnage moyennement crédible, troublante, en tout cas surprenante. Mais c'est un choix assumé qui réflète une grande lucidité sur les motivations de leurs personnages et leurs réactions face aux multiples rebondissements de l'histoire (parce qu'il en a !). Un film certes pas dénué de facilités mais qui impressionne et captive par sa maîtrise. Venant des Dardenne, donc, événement.

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