CRITIQUE

Le problème avec les films politiques c'est quand clairement l'envie de pousser un coup de gueule l'emporte sur l'envie de cinéma. Non pas que Matteo Garrone oublie le cinéma, loin de là, mais on ressort du film avec cette furieuse impression de s'être fait prêcher et assomé par un ton accusateur certes intéressant, mais maladroitement exploité.

Matteo Garrone se positionne d'emblée en grand connaisseur du polar, dès cette scène d'ouverture impressionnante ou plusieurs hommes se font descendre sauvagement dans des cabines UV à la lumière bleue irréelle. Plus tard, deux de ses personnages, deux jeunes branleurs de banlieue, jouent à se prendre pour Tony Montana dans "Scarface". Et puis il y a cette scène étonnante où l'on voit à la télé Scarlett Johansson monter les marches du festival de Venise, alors que dehors la guerre entre les gangs fait rage. Image d'un cinéma souvent en décalage avec la réalité, ou qui l'ignore : c'est cela que Matteo Garrone veut dire, et prouver au spectateur, que son film s'inspire de faits réels, que la criminalité en Italie est plus violente que jamais. L'idée est louable et même touchante, mais le réalisateur italien, s'il évite habilement les clichés et dresse des portraits d'humains plutôt tendres et mélancoliques, ne convainct pas, la faute à un ton beaucoup trop prétentieux, surtout à la fin : lorsqu'apparaît un panneau explicatif avant le générique, listant le nombre de morts générés chaque année par cette organisation criminelle italienne, on se dit finalement qu'il suffisait d'en faire un article si tout ce qu'il veut évoquer passe par l'écrit. Pourquoi tomber dans le spectaculaire et l'emphase pour marquer le coup ? Un coup dans le vide, un peu, c'est dommage car il aurait pu y avoir matière.