Nicolas : « Je ne veux pas mourir à 23 ans »

Pour l’instant, Justine et lui n’ont pas de problèmes de santé. « Heureusement qu’on est jeunes, dit Nicolas. Même si je n’ai plus rien, je continue d’avancer. Je ne veux pas mourir à 23 ans. »
A 14 h 30, à la fin de sa journée de travail, Justine le rejoint devant un supermarché près de la place de la Nation, où ils font la manche. Depuis qu’elle est interdite bancaire, ils n’ont plus d’argent liquide. En semaine, ils peuvent gagner 30 euros par jour, jusqu’à 60 les vendredis et les samedis. Cela leur permet de faire face aux dépenses quotidiennes et, quand ils n’en peuvent plus ou qu’il fait trop froid, de s’offrir une chambre d’hôtel. Et puis ils font parfois de belles rencontres. Comme Jérôme, un étudiant chez qui ils se douchent, ou Gilles, un ex-journaliste qui les héberge en cas de coup dur. Ou encore cette retraitée qui garde leurs papiers importants et qui, en échange d’espèces, signe des chèques pour payer les dettes de Justine. « Sinon, dit celle-ci, je devrais m’acquitter de 12 euros pour un mandat ! » Chez les uns ou chez les autres, ils laissent leur chargeur de téléphone. « S’il nous arrive quelque chose dans le bois, sans téléphone, c’est la mort assurée, explique Nicolas. Et pour nos CV, il faut bien qu’on mette un contact. » Certains, comme les caissières du supermarché, leur apportent de la nourriture. Un petit réseau de voisinage. « Pour l’anniversaire de Justine, se souvient Nicolas, une femme lui a offert un haut et un pantalon qu’elle avait payés 80 euros ! Je n’avais pas de cadeau. Pour Noël ça va être pareil... Avant, le soir, on se faisait plaisir : un ciné, un restau. Cette chute est trop brutale. C’est dur pour notre couple. Notre vie amoureuse, on l’a mise de côté. On s’aime très fort mais pour nous, le principal, c’est de manger. On ne vit pas. On survit. »

C’est aussi devant ce supermarché qu’ils ont rencontré une vieille dame contrainte de faire la manche car sa retraite de 600 euros ne couvre pas ses 800 euros de loyer. Chaque jour, depuis qu’elle s’est cassé une côte, Justine et Nicolas lui apportent à manger et un peu d’argent. Ils ont remarqué que « seuls ceux qui ont connu la galère aident. Les autres ne nous regardent même pas ». Et ça, Nicolas n’arrive pas à l’accepter : « Le plus difficile, c’est le regard des autres, les remarques de ceux qui pensent que je n’ai pas envie de travailler. » Dès qu’il peut, il bricole : un coup de peinture, une étagère à poser... Et il sillonne les rues de Paris à la recherche de choses jetées, qu’il cède à des dépôts-ventes ou dans des « cash espèces ». Il est 22 heures, le magasin ferme ses portes. Justine et Nicolas remballent leurs « affaires de manche », deux couvertures pour eux, des plaids pour les chiens, une boîte à lunettes pour les pièces. D’habitude, ils vont se réchauffer une heure dans le métro avant
de regagner leur tente. Mais aujourd’hui, il fait trop froid. Les deux hôtels qu’ils connaissent et qui acceptent les chiens pour 50 euros sont complets. Heureusement, ce soir, Gilles a accepté de les héberger. Une nuit de gagnée.

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